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Deux nouvelles unités de police de pacification voient le jour en ce mois de février 2014. Ce seront les 38° et 39° favelas « reconquises » par le pouvoir public légitime. Particularité, ces deux nouvelles UPPs sont implantées pour la première fois dans des quartiers situés hors de la municipalité de Rio de Janeiro, à Duque de Caxias et à Belford Roxo, dans la périphérie urbaine de la Baixada fluminense. Justification de José Mariano Beltrame, le Secrétaire d’Etat à la Sécurité : « Avec notre politique de pacification, les trafiquants ont perdu leurs espaces traditionnels dans la métropole et se sont repliés sur les cités périphériques d’où ils lancent leurs nouvelles attaques. La pacification est une stratégie globale, nous ne pouvons pas tolérer cette situation ».

Tentative de reconquête et manipulation

patrouille uppCertains observateurs doute cependant de cette stratégie qu’ils considèrent comme une « fuite en avant » alors que la situation dans les favelas pacifiées à partir de 2008 est loin d’être stabilisée. A preuve, les attaques contre les postes de police et les représentants de l’autorité que les trafiquants semblent avoir multiplié depuis mi-2013, faisant une dizaine de morts, avec le clair objectif de reconquérir les territoires qu’ils ont perdu.

Epoca uppPour l’hebdomadaire « Epoca », il y a derrière cette nouvelle flambée de violence, la main de politiciens cherchant à déstabiliser le gouvernement en cette année électorale. La revue désigne ainsi l’ancien gouverneur de Rio de Janeiro, Anthony Garotinho et son ex- chef de la police civile Alvaro Lins, inculpé de corruption et de blanchiment d’argent. Toutefois, l’enquête se base sur des présomptions et les preuves de l’implication de ces deux personnes manquent. La démonstration n’est donc pas totalement convaincante. La recrudescence de la violence serait plutôt à chercher du côté d’un certain piétinement dans la mise en place des politiques d’accompagnement de la pacification.

Indéniablement des progrès…

antennes paraboliques nas favelasMalgré ces événements récents, la mise en place des UPPs a brisé le cercle de la violence à Rio de Janeiro, c’est indubitable. Voyez plutôt : entre 2003 et 2012, deux coups de feu ont été tiré dans chaque trois jours un endroit de la métropole. Cette sinistre moyenne n’a pas vraiment baissé depuis 2008, date du début des opérations de pacification,  mais elle a drastiquement chuté dans les favelas contrôlée par une UPP. Ce constat résulte d’une recherche effectuée par Joana Monteiro de l’Institut brésilien d’Economie de la Fondation Getulio Vargas (Ibre-FVG).

campagne électorale favelaAutre indicateur : début décembre 2013, dans les 29 favelas de la municipalité de Rio pacifiées à cette date, abritant 252’000 habitants, la moyenne des morts violentes pour 100’000 habitants est tombée à 8,7, contre 18 pour l’ensemble de la ville. Et la violence a elle aussi globalement baissé dans toute l’agglomération : 33,2 morts  pour 100’000 habitants en 2008, 18 en 2012 ! Enfin, le nombre des commerces et des PME implantées dans les favelas pacifiées a explosé : 25 à 30% de création d’entreprises en 5 ans. Plus de 2’000 établissements, appartenant jusque là au secteur informel, se sont légalisés grâce à l’appui des autorités. Leurs propriétaires et employés payent désormais leurs cotisations professionnelles et sont affiliés à la sécurité sociale.

…mais une crise de confiance qui perdure

comercio nas favelas« Les conquêtes du programme de Police de Pacification sont indéniables », note dans ses conclusions un rapport élaboré par le centre d’étude sur la Sécurité et la Citoyenneté de l’université Candido Mendes (CEScE), « particulièrement en ce qui concerne la récupération de territoires et la réduction drastique de la violence armée dans les zones qui étaient sous le contrôle de groupes criminels antérieurement ». Alors pourquoi les UPPs pM revisando nas upptraversent –elles aujourd’hui encore une crise de confiance ? « Parce que la substitution du modèle traditionnel d’intervention des forces de l’ordre par un « nouveau paradigme » de police de proximité ne s’est pas réalisé. La pacification se limite toujours à l’occupation et à une saturation massive des favelas par la police » affirme le rapport du CEScE.

Conséquence, les habitants se méfient encore des agents de la force publique qu’ils perçoivent comme des ennemis et les policiers eux-mêmes se sentent en porte-à-faux. Le CEScE a interrogé 775 d’entre eux, cantonnés dans une dizaine d’UPPs, pour savoir comment ils percevaient leur travail. Le résultat est édifiant : seuls 46% se déclarent satisfaits, 26% insatisfaits et 27% « neutres ». La majorité d’entre eux doute donc du projet… policiamento comunitarioPrincipaux griefs, la sensation d’hostilité de la part des habitants pour 46% des policiers interrogés, le manque de formation aux tâches de proximité et le fait que l’essentiel de leurs interventions consiste à contrôler les personnes, ce qui ne leur laisse pas de temps dialoguer avec les habitants afin de connaître leurs doléances.

Le programme de pacification sociale en panne

beltrameLe fond du problème, d’ailleurs régulièrement dénoncé par le Secrétaire d’Etat à la Sécurité José Mariano Beltrame, c’est que, après l’occupation policière, les choses ne suivent pas : les UPP sociales, un service de la municipalité, sont chargées de faire remonter auprès des autorités les demandes de la population, de stimuler la citoyenneté et de promouvoir la mise en place de services sociaux, de crèches, d’écoles et de centres de santé. Mais ces UPP sociales manquent de moyens et de personnel, générant ainsi une grande frustration auprès de ceux qui s’adressent à elles.

obras cantagaloLe travail des services fonciers et de l’urbanisme, qui doivent eux procéder au relevé cadastral des logements et à l’assainissement des quartiers pacifiés, avance là encore au ralenti. Bien sûr, il serait illusoire de penser que la simple pacification allait tout résoudre d’un simple coup de baguette magique, rappellent les chercheurs du CEScE, mais il est crucial d’aller de l’avant avec les investissements promis et les réalisations planifiées.  En cette année Favela vue généraleélectorale, « il est crucial d’approfondir l’expérience et de consolider les objectifs définis », ajoute un éditorial publié par le journal « O Globo » le jour de l’inauguration de l’Unité de police de pacification de Duque de Caxias, notamment en mettant  en place un programme de lutte contre les manoeuvres électoralistes démagogiques dans les UPPs.