4out2013---formada-pelos-deputados-federais-e-senadores-eleitos-diretamente-em-1986-a-assembleia-constituinte-foi-criada-em-1-de-fevereiro-de-1987-composta-por-559-congressistas-que-acumulavam-as-1380930957451_956x500

C’est un cadeau empoisonné pour fêter les 25 ans de la Constitution brésilienne : un  jour avant cette date anniversaire, le Tribunal Suprême Electoral refusait d’autoriser la création du parti, « Rede Sustentabilidade » (Réseau pour le Développement durable) fondé par l’ex-ministre de l’environnement Marina Silva, classée en seconde position dans les intentions de vote pour les présidentielles d’octobre 2014.  « Rede Sustentabilidade » est pourtant la seule formation qui a choisi de se construire à partir de la base, privilégiant les aspirations des citoyens plutôt que les manœuvres tacticiennes des politiciens en place. 

Mais il manqué 50’000 signature valables au « Rede Sustentabilidade », sur les 492’000 exigées par la Constitution pour entériner la création d’un nouveau parti. Et pourtant, 95’000 paraphes ont été rejetées sans justifications par les cabinets de notaires chargés de les vérifier, en majorité dans la périphérie industrielle de Sao Paulo, l’ABC, fief du PT au pouvoir. 

tseMême si le TSE s’en est strictement tenu à la lettre le la loi, il y a là de quoi susciter beaucoup d’interrogations sur la manière dont fonctionnent les rouages démocratiques. D’autant que dans le même temps, le TSE a approuvé la création de 2 autres nouveaux partis, sans programme politique clairement défini, créés de toutes pièces par des notables politiques afin d’occuper un espace médiatique durant la campagne électorale à venir. Il y a comme un gros malaise dans la manière dont l’establishment parlementaire semble s’être approprié pour son propre bénéfice, la lettre de la Charte fondamentale du pays, élaborée au sortir de la dictature militaire en 1988, et considérée alors comme une « Constitution citoyenne » parmi les plus avancées du monde.

Une Constitution aux intentions citoyennes

ulysses 2Le texte voté le  5 octobre 1988 comprend en effet une impressionnante liste d’articles destinés à garantir à la population l’exercice des droits citoyens et la mise en place de politiques publiques au service du bien-être social. Ainsi en est-il de l’égalité pour tous devant la loi, qui donne enfin le droit de vote aux indiens et aux analphabètes, du renforcement des pouvoirs locaux au sein des organes municipaux, de la garantie d’indépendance du Ministère public fédéral pour mener des enquêtes sur les malversations et la corruption, de l’engagement à protéger la liberté d’expression et l’intégrité de la vie privée, de l’instauration du Système Unique de Santé, le SUS, instituant le gratuité des soins pour tous.

escola educaçao-20120427Mais ce souci de générosité envers les individus et leur bien-être social, compréhensible après 21 années d’arbitraire imposé par la dictature militaire, a enfanté un certain nombre d’utopies impossibles à réaliser. Comme l’éradication de l’analphabétisme en dix ans. On en est évidemment loin, le nombre de ceux qui ne savent ni lire ni écrire était en baisse constante depuis 2004, il a connu l’an dernier une légère augmentation passant de 8,6% de la population de plus de 15 ans en 2011 à 8,7% en 2012. L’analphabétisme affecte donc encore 13,2 millions de personnes. Dans le domaine de la santé, la Constitution prévoyait l’affectation de 30% des ressources de la Sécurité sociale au SUS. Impossible. L’Etat consacre aujourd’hui 8,8% des fonds de l’INSS au SUS, il faudrait doubler le budget du Ministère de la Santé pour arriver à répondre aux exigences constitutionnelles!

chegada medicos cubanosPlus modestement, Gouvernement a lancé en juillet dernier le programme « Mais Médicos », en tentant de faire venir plusieurs centaines de praticiens cubains pour résorber les carences du système. Une mesure d’urgence, prise au lendemain des vastes manifestations populaires de juin 2013, grâce aux prérogatives constitutionnelles qui donnent le droit à la Présidente de promulguer des « mesures provisoires », lesquelles sont ensuite transformées en lois par le vote du Congrès. « Ce système présidentialiste, associé à l’instauration des mesures provisoires a transformé le président en « usurpateur » des fonction du législatif de la République», regrette aujourd’hui Bernardo Cabral, rapporteur de la Constituante en 1988.

Une Constitution détournée de ses principes

planalto simbolo constiuante« La classe politique s’est appropriée ce qui devait être une Constitution citoyenne pour en faire un outil de manipulation du pouvoir au sein de l’Etat » complète Merval Pereira, analyste politique. « La nouvelle République a repris les méthodes de la vieille République ». Celle qui a précédé le coup d’Etat de 1964. Ce rapport de force entre ceux qui voulaient trancher avec les mœurs parlementaires du passé et ceux qui voulaient préserver les privilèges des élus, s’est installé dès la mise en place de la Constituante, le 1er février 1987. Durant les 20 mois de travaux, la guerre verbale a fait rage au sein de l’assemblée, mais aussi de manière permanente à l’extérieur, sur l’Esplanade des Ministères de Brasilia. Lobbies de tous bords et organisations populaires se succèdent en manifestations bruyantes pour faire valoir leurs revendications. La plus spectaculaires de toutes ces démonstrations a sans doute été celle de l’Union Démocratique Ruraliste, l’UDR, qui ne voulait pas entendre parler de réforme agraire ou de redistribution de la terre.

ulisses la meilleureAu bout du compte, le texte original a connu 61’000 amendements avant d’être adopté. C’est grâce au prestige du président de la Constituante Ulysse Guimaraes, ancien leader du MDB d’opposition durant le régime militaire et incarnation de la lutte pour le retour à l’élection directe du chef de l’Etat par les urnes, que le document a finalement pu être entériné. Pour l’anecdote, le Parti des Travailleurs, alors sous la houlette du syndicaliste Luis Iniacio Lula da Silva, refuse de voter le texte qu’il considère comme insuffisant pour ce qui à trait à la réforme agraire, à la taxation des plus riches et à l’amnistie des auteurs du coup d’Etat militaire de 1964. Vingt ans plus tard, en 2008, Luis Iniacio Lula da Silva, devenu Président, déclare publiquement que si les propositions du PT avaient été acceptées à l’époque, le Brésil serait aujourd’hui ingouvernable : « Malgré tous ses défauts, la vérité nous oblige à reconnaître que la Constitution est une garantie de démocratie ».

Une Constitution vieillissante…

3_poderesUne garantie cependant imparfaite et qui a vieilli. « C’est une Constitution qui entre beaucoup trop dans le détail, qui à été rédigée en complet décalage avec un monde en train de changer, un monde qui, après la chute du Mur de Berlin, a abandonné le modèle d’une société étatiste. Or la Charte de 1988 réserve à l’Etat une position centrale qui en fait l’acteur essentiel de la justice sociale à travers la redistribution fiscale et la politique d’assistance aux plus démunis », analyse le quotidien O Globo dans un éditorial consacré aux festivités des 25 ans. Ce décalage est devenu évident au mois de juin 2013, lorsque des centaines de milliers de brésiliens sont descendus dans la rue pour demander des réformes dans les transports publics, la santé  et l’éducation, ainsi qu’un combat plus déterminé contre la corruption politique.

manif juin constituinte 2La réponse des autorités n’a pas été à la hauteur. D’abord, la proposition de Dilma Rousseff, de nommer une Constituante partielle pour mettre en place une réforme politique a avorté pour être inconstitutionnelle, le projet a ensuite été enterré par le Parlement chargé de concevoir une telle réforme. Aujourd’hui, c’est un retour à la case départ, estiment beaucoup, avec le facteur aggravant du refus par le STF d’autoriser la création du parti de Marina Silva. « Un parti, cela commence avec des rêves et un projet. Au Brésil, un parti, cela voit le jour grâce à des signatures certifiées par un notaire. Notaire. Un parti, c’est formé par un groupe de citoyens qui cherche à conquérir des votes par ses idées lors d’une élection. Au Brésil, les partis sont des coques vides qui servent à vendre du temps d’antenne pour la propagande électorale ». ironise Miriam Leitao.

PROS-fundacao FESTA DA FOR«A SINDICAL NA ZONA NORTELa journaliste se réfère aux deux nouveaux partis qui viennent eux, d’être légalisés par le Tribunal Supérieur Electoral, le PROS, fondé par un obscur député de Planaltina dans les environs de Brasilia et Solidaridade, émanation d’un syndicat essentiellement implanté à Sao Paulo, « Força sindical ». Depuis que ces deux formations ont vu le jour, plus de 40 députés y ont adhéré afin de pouvoir se placer en tête de listes pour les élections parlementaires d’octobre 2014 et garantir ainsi leur quota de minutes de propagande à la télévision.

… Mais une Constitution pas si immuable qu’il n’y paraît

dilma_congressoIl n’y aura pas de révision de la Constitution de 1988 à l’occasion des 25 ans de sa fondation. Les rapports de pouvoirs actuels ne permettent pas de l’envisager. Elle va donc rester la Charte du pays dont l’existence est la plus longue des six que le Brésil a connu depuis 1934 (seules la Constitution de 1824, instaurant l’indépendance et celle de 1891 proclamant la République ont duré plus longtemps) et sur le papier, sans doute une des plus favorables du monde aux droits fondamentaux des citoyens. Dans la réalité, on l’a vu, il en va autrement.

?????????????????????????????Cependant le retournement de situation provoqué par Marina Silva en rejoignant le PSB, formation d’Eduardo Campos, gouverneur du Pernambouc dans le Nord-Est et en choisissant d’appuyer sa candidature à la Présidence pour 2014 peut changer la donne. « L’alliance avec le réseau citoyen de Marina Silva va nous permettre d’enterrer la vieille république » exulte Eduardo Campos qui qualifie sa désormais co-listière de « politicienne avec un P majuscule ». « Rede Sustentabilidade a été contraint de devenir le premier parti clandestin de la démocratie brésilienne », persifle Marina Silva, « mais ensemble avec le PSB, nous allons réoccuper l’espace de l’émotion, du neuf et de la décence en politique ».

marina-campos 2Elle a raison : cette alliance que personne n’attendait entre la figure politique la plus populaire du pays après la Présidente en exercice et le plus neuf des candidats à l’alternance risque de séduire beaucoup d’électeurs déçu par le bilan très mitigé de 12 années de gouvernement du PT.