DESMATAMENTO

Le rythme du déboisement est en diminution régulière en Amazonie, mais la moitié des arbres retirés de la forêt brésilienne sont encore d’origine illégale. C’est le constat d’une étude menée au niveau mondial par le PNUE, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement. Ailleurs sur la planète, le déboisement pirate ne représente en moyenne que 15% à 30% du commerce de bois.

Globalement cependant, les surfaces déboisées sont en constante diminution. Selon les chiffres du Gouvernement Fédéral, en 2004, 27’000 km2 d’arbres avaient été abattus, en Amazonie Légale, en 2011, 7’000km2 seulement. Cela n’empêche pas la commercialisation clandestine de bois sans certificat de conformité d’augmenter. Dans l’Etat du Mato Grosso, 47% des troncs vendus entre août 2010 et juin 2011 étaient d’origine illégale, contre 39% en 2009.

Industrie de faux certificats

Greenpeace uncovers illegal logging operations in Amazon RainforestD’après André Monteiro, qui a mené cette étude pour le compte de Imazon, l’Institut de l’Homme et du milieu Ambiant d’Amazonie, cette augmentation de l’activité clandestine dans ce secteur est due à la mise en place d’une industrie très lucrative des faux certificats. Voilà comment cela fonctionne : un propriétaire foncier obtient le droit de déboiser une surface donnée de son domaine. Mais il n’en abat effectivement qu’une petite portion et revend le reste de ses droits à une entreprise de sciage qui va aller couper des arbres dans une réserve forestière ou en territoire indigène, – quelques fois avec la complicité des propres habitants de ces réserves -, et les commercialisera avec les faux certificats de provenance qu’il a acheté du propriétaire autorisé à déboiser sur son propre sol.

desmatamento 3La technique s’appelle « esquentar a madeira », littéralement « chauffer le bois », qui apparaîtra ensuite sur les rayons des supermarchés ou des entrepôts de gros comme s’il était de provenance tout à fait légale. Le même système s’applique lorsqu’il s’agit d’abattre des pans de forêt pour faire place au bétail, les « autorisations de défrichage » sont l’objet, de la même manière de ce trafic de faux certificats.

Contrôles moins rigoureux

En soi, la méthode n’est pas nouvelle. Pourquoi donc le phénomène va-t-il en s’amplifiant ? Réponse d’André Monteiro : une restructuration administrative intervenue fin 2011, qui a retiré à l’IBAMA Fédéral la compétence de surveillance, pour la remettre aux mains des Secrétariats à l’Environnement des différents Etats. Justification : les organismes devant délivrer les autorisations d’abattage et contrôler l’activité doivent être proche du terrain, concentrer ces compétences dans une entité fédérale n’était pas le meilleur moyen d’y parvenir.

controle ibama« Les autorisations d’abattage sont maintenant délivrées beaucoup plus rapidement, explique André Monteiro, mais les contrôles ont drastiquement chuté avec cette réforme ». Le Secrétariat à l’Environnement de l’Etat du Para, par exemple, la région d’Amazonie la plus déboisée à ce jour, n’a pas de cartes avec la localisation précise des différentes propriétés. Et il ne dispose que de 39 inspecteurs forestiers pour un territoire grand comme deux fois la France.

Un « pont fluvial » à travers l’Amazone

toras no rio amazonasC’est ainsi qu’une statistique, provenant d’une recherche inédite menée par l’Université américaine de Colombia , en collaboration avec l’Université Fédérale de l’Amapa, sur la rive nord de l’Amazone, révèle que 95% des scieries de l’Etat commercialise du bois sans certificat d’origine, provenant de forêts situées dans le Pará. Une armada d’intermédiaires, se charge d’acheminer les troncs d’un bord à l’autre du fleuve. Cette activité trans-étatique par dessus l’Amazone rapporterait 17 millions de R$ chaque années (8,5 millions de CHF / 6,5 millions d’€)

Mais tous n’en profitent pas de la même façon : Les « atraversadores », les intermédiaires, retiennent 30% de commission pour leur service alors que le bûcheron du Para ne reçoit lui que 3% du prix pour chaque arbre abattu. Les petites scieries familiales de l’Amapa ne sont pas mieux loties, qui, faute de structure bradent ce bois illégal sur le marché parallèle, à 60% de la valeur d’un lot certifié.

Déboisement zéro à l’horizon 2020 dans le Pará ?

gado_amazoniaA Belém, cependant, les autorités du Pará ont décidé de réagir. A l’occasion du Sommet Rio + 20 de juin dernier, le gouverneur Simao Jatene a solennellement promis que l’objectif du déboisement zéro serait atteint en 2020. A l’appui de cet engagement, la réduction des surfaces rasées au cours de ces dernières années : 4’281 km2 en 2009, 3’770 en 2010 et 3’008 en 2011. C’est le résultat d’une politique délibérée, mêlant un durcissement de l’action répressive des autorités et une incitation à la délation des contrevenants. C’est ainsi qu’en juin 2009, une grosse opération a été menée contre des responsables d’abattage clandestin dans la région de Paragominas. Un déboisement effectué sur une surface de 157’000 hectares pour faire de la place au bétail.

carne69 grandes entreprises de distributions comme Pao de Açucar, Walmart et Carrefour avaient été identifiées comme « partenaires » involontaires de cette activité illégale, des entreprises qui commercialisaient de la viande en provenance de troupeaux installés sur des terrains déboisés illégalement. Amendées, ces entreprises et les abattoirs qui les fournissaient, Bertin et Minerva, ont passé un accord avec les autorités : contre une réduction de peine, elles renonçaient à commercialiser toute viande dont la provenance légale n’était pas certifiée.

Surveillance et dénonciation

reflorestamentoLe Ministère Public du Para, à l’origine de cette transaction, a réussi à intéresser les autorités locales de Paragominas qui se sont engagées à dénoncer tout déboisement illégal sur leur municipalité. La ville était inscrite sur les listes noires du déboisement en 2010, elle est devenue un modèle de préservation de la forêt (Voir Vision Brésil n° 17, septembre 2010).

Le Gouverneur Simao Jatene veut maintenant aller plus loin en faisant passer une loi qui obligerait chaque propriétaire à replanter, avec des espèces natives, autant d’hectares de forêt qu’il déclare en avoir abattus. Une mesure complémentaire à la répression menée par le Ministère Public, qui touche cette fois l’exploitation légale de la forêt et devrait devenir l’instrument de référence pour atteindre le déboisement zéro en 2020 sans tuer l’activité économique forestière.