Travail esclave ; la bourse famille revue et corrigée ; les noirs et les soins de santé ; histoire : l’enfer vert des immigrants français.

Les choses ne progressent pas vite dans le domaine de la pratique du travail esclave. En 2010, le Ministère du travail a épinglé 88 nouvelles entreprises pour ces pratiques abusives et libéré 2’327 personnes soumises à des conditions d’emploi humainement indignes. C’est surtout dans les Etats du Nord et de l’Ouest que cette réalité sévit.

la moitié des cas dénoncées proviennent du Pará (24), du Mato Grosso (10) et du Mato Grosso do Sul (9) et concernent l’élevage et la cueillette de la canne à sucre. Il semble cependant que le travail esclave s’étend maintenant aussi aux secteurs de la construction et de la sidérurgie, note l’ONG « Reporter Brasil », spécialisée dans la dénonciation de ces abus.

La liste noire des entreprises pratiquant le travail esclave au Brésil compte actuellement 245 noms, selon le recensement effectué par le Pacte National d’Eradication du Travail Esclave. Ce pacte, conclut en 2003 entre des milieux économiques, des ONGs, des syndicats et l’Organisation internationale du Travail exige des entreprises signataires qu’elle s’interdisent de recourir au travail esclave ou se fournir auprès de ceux qui le pratiquent. Pour sortir de la liste d’infamie du Pacte National d’Eradication du Travail Esclave, les coupables doivent avoir payé leurs arriérés sociaux et ne plus avoir été dénoncée pour irrégularités pendant au moins 2 ans. En 2010, 14 entreprises ont été rayées de cette liste noire. Repórter Brasil :. Lista Suja do Trabalho Escravo

La bourse famille revue et corrigée

Malgré son succès évident, la bourse-famille n’a pas réussi à supprimer entièrement l’extrême pauvreté au Brésil. Le nombre de ceux qui sont en situation de misère a certes diminué, mais il reste trop élevé. En 2003, ils étaient 12% de la population aujourd’hui ils ne sont plus que 4,8%, mais c’est encore 8,9 millions de personnes.

La nouvelle Présidente, Dilma Rousseff, promet d’en finir une fois pour toute avec l’extrême pauvreté durant son mandat et propose d’augmenter la valeur des subventions distribuées au-delà de la simple compensation du renchérissement annuel. Il en coûte actuellement 13,4 milliards de R$ aux coffres publics (7,65 milliards de CHF / 5,9 milliards d’€) pour que chaque famille bénéficiaire reçoivent 68R$ par mois (40CHF /31€) et un extra de 22R$ par enfant de moins de 15 ans ou 33R$ entre 15 et 17 ans.

Reste que la  « sortie » du programme d’assistance que représente la bourse famille n’est toujours pas réglée. Afin de permettre aux bénéficiaires de trouver une activité rémunératrice qui leur permette de ne plus dépendre de l’aide publique, Dilma Rousseff veut multiplier les programmes de formation et faciliter l’accès aux crédits pour les micro-entreprises créées par les bénéficiaires de la bourse famille.

Les noirs et les soins de santé

La Constitution de 1988 garantit l’égalité d’accès aux soins publics pour tous les brésiliens. 22 après, la discrimination à l’égard des noirs et des métis au sein du Système Unique de Santé, le SUS est flagrante. Ils forment 55% de la population totale et en sont la partie la plus pauvre. Pour eux, le recours au SUS est donc 20% plus important que pour les blancs parmi lesquels plus de gens ont les moyens de recourir à la médecine privée et aux assurances particulières. Pourtant, ce sont les blancs qui sont majoritaires dans les consultations gratuites du SUS : 71% des femmes enceintes blanches, par exemple, ont bénéficié des 7 examens prénataux prescrits officiellement, contre 42% des femmes noires seulement. Chez les hommes, 43% des noirs n’ont pas eu accès à une consultation médicale au cours des 12 derniers mois, contre 36% des blancs.

Pour l’auteur de cette statistique, Marcelo Paixão, professeur de sociologie à l’Université Fédérale de Rio de Janeiro, « après tant d’années, la Constitution ne peut pas se borner à être seulement un catalogue de bonnes intentions sous peine d’installer définitivement un apartheid social ». La nouvelle ministre de l’égalité raciale, Luiza Bairros renchérit : « le Brésil a signé en 2001 la Convention internationale contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance. Nous devons travailler plus et mieux dans le domaine de la santé pour appliquer pleinement cette convention au quotidien ».

Histoire : l’enfer vert des immigrants français

Ils étaient une poignée, 800 personnes, c’était en 1875, ils fuyaient la misère des campagnes française pour tenter l’aventure d’une nouvelle vie en pleine Amazonie. A Benevides dans l’Etat du Para. On leur avait vanté un sol fertile, des lots de terre prêts à être cultivés, un abri accueillant et bientôt une ligne de chemin de fer pour rallier Bélem, la capitale de l’Etat. Ils ont trouvé la forêt en pied, un unique méchant baraquement collectif pour les héberger et des colons arrivés avant eux du Ceará dans le Nord-Est du Brésil qui leur disputaient les titres de propriété.

Cet épisode peu connu de l’épopée de la colonisation du Brésil, est raconté dans une thèse rédigée par Francivaldo Nunes, professeur d’histoire à l’Université Fédérale du Pará. Il est lui-même lointain descendant de ces colons venus de France et s’est passionné pour leur aventure : « Benevides s’est construite à partir de l’idée que la région allait prospérer si elle accueillait des immigrants européens. Jusqu’alors, les habitants étaient des indiens qui cultivaient juste de quoi satisfaire leurs propres besoins. Le défrichement et l’agriculture à grande échelle allaient tout changer ! Mais la forêt équatoriale est implacable : « ces colons, habitués à un autre climat, ont fait un immense effort pour rendre l’endroit habitable, mais le climat, trop pluvieux, ne permettait même pas de semer sur ces terres détrempées. Les européens n’ont pas résisté. » Ils sont partis ou sont tombé malades.

Un petit noyau s’est tout de même accroché, Benevides a survécu, et lorsque le gouvernement régional a annoncé, en 1877, qu’il mettait fin aux subsides distribués aux colons, 700 révoltés en colère ont marché sur Bélem. Dès 1900, Benevides va décliner et végéter, mais la ville ne disparaîtra pas.  Aujourd’hui, les agriculteurs qui l’habitent ont finalement reçu des titres de propriété en bonne et due forme « et sont fiers de rappeler l’origine française de l’endroit », conclut Francivaldo Nunes. L’historien estime que, tout compte fait, Benevides doit quand même être considéré comme une expérience positive dans l’épopée de la colonisation de l’Amazonie brésilienne. De nombreuses autres tentatives en effet n’ont pas abouti et ont été totalement abandonnées.