Dès début juin, le Brésil va s’arrêter. A cause de la Coupe du monde de football bien sûr, qu’il espère remporter pour la 6ème fois, mais aussi, comme c’est le cas les années de Coupe du monde, à cause des élections présidentielles et législatives d’octobre. C’est en effet en juin que débute la campagne électoral et le pays va vivre au rythme des promesses politiques pendant 4 mois. Des promesses qui s’accompagnent souvent de délits de corruption avérés lorsqu’il s’agit de les concrétiser.

Rectificatif: la campagne pour les élections présidentielle d’octobre commence le 5 juillet et non début juin comme indiqué par erreur!

(I) La part belle à la corruption ?

L’utilisation abusive des fonds publics, pour renforcer son assise politique, ou pour se remplir ses poches est hélas aussi un sport national au Brésil. La Fédération des industriels de Sao Paulo, la FIESP, vient de calculer que le détournement de l’argent de l’Etat équivaut à 1,38% du PIB national, soit 41,5 milliards de R$ (25 milliards de CHF, 18 milliards d’€).

Coupables jamais condamnés

Dépensée à bon escient, cette somme permettrait d’augmenter de 47% le budget de l’enseignement obligatoire, ou de raccorder 23 millions de domiciles au tout à l’égout. Un  pactole que les élus s’approprient d’autant plus impunément que depuis la promulgation de la Constitution de 1988, aucun d’entre eux n’a jamais été condamné.

Rectification, une sanction vient de tomber : 50 jours de travail amende et 5 ans d’inéligibilité un député du Ceara accusé d’avoir détourné 500’000 R$. à Brasilia. Condamné par le Tribunal Suprême Fédéral 12 jours avant la prescription et 9 ans après les faits, Zé Geraldo conserve cependant son mandat de député jusqu’à la fin de la législature en cours !

Pétition de citoyens contre la corruption

Cette première condamnation n’est sans doute pas étrangère à la pétition envoyée au Congrès par 1, 3 millions de citoyens qui réclament l’inéligibilité des politiciens ayant maille à partir avec la justice. D’abord réticent, le Congrès a finalement adopté l’idée. Mais elle doit encore recevoir l’aval du Sénat, et  la sanction du Président avant d’entrer en vigueur. Délai fin juin pour pouvoir être appliquée dès les élections d’octobre. Trop court. La loi ne vaudra sans doute pas avant le prochain scrutin de 2012.

C’est tout de même un petit progrès dans une mer de turpitude. En 2007, j’avais rédigé un petit dossier sur ce sujet pour le journal La Liberté. Un dossier vieux de 3 ans, certes, mais encore parfaitement d’actualité, que je vous propose de parcourir en cliquant sur le lien ci-dessous:

2a. LI-02-10-GP-12

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(II) les vilaines pratiques des petits partis

La scène électorale 2010 sera certes dominée par le duel présidentiel Dilma Rousseff – José Serra, mais les 4 grands partis qui dominent la vie politique, le Parti des Travailleurs (PT), le Parti Social Démocrate du Brésil (PSDB), le Parti du Mouvement Démocratique Brésilien (PMDB) et les Démocrates (DEM) ne sont pas seuls en lice. Une multitude de petites formations vont se lancer dans la bataille, qui tour à tour profiteront de la campagne des grands, ou leur monnayeront leur appui. Faut-il le rappeler, l’actuelle coalition de la majorité au pouvoir est composée de 38 partis !

C’est sans doute le cas le plus choquant : des fonctionnaires s’inscrivent sur les listes de partis lilliputiens, non pas pour être élus, mais pour bénéficier des 3 mois de congés payés auxquels ils ont droit pour faire campagne, grâce aux vertus de la loi 9096/95. Pompiers et policiers seraient particulièrement friands de cette pratique. « Immoral et anti-éthique, commente Silvana Batini, procureur électoral à Rio de Janeiro, mais juridiquement correct, la loi l’autorise ».

Candidats payants.

Il y a aussi les vrais candidats minoritaires, ceux qui veulent défendre une idée, un quartier, une communauté, mais qui ne trouvent pas place au sein des grands partis. Ils se rabattent sur des petites formations, qui leur demande de payer une « taxe électorale » de 1’000 à 7’500 R$ pour pouvoir s’inscrire sur les listes. Payer pour se faire élire ? « Les grands partis ont des moyens, nous pas », répond Oswaldo Souza Oliveira, responsable régional du PRP (Parti républicain populaire) « il est normal qu’on demande une contribution à nos candidats pour financer leur campagne ».

Mais c’est une pratique qui peut être détournée de ses fins. Certains de ces « candidats payants » sont en fait des sous-marins, envoyés par une formation adverse en vue de gonfler artificiellement un petit parti au début pour négocier de nouvelles alliances afin de s’assurer une majorité sur le plan local. Ces partis sont ensuite vidés de leur substance via le désistement de ces candidats artificiels.

Des prétendants pas vraiment blancs comme neige.

Encore plus questionnable : l’inscription sur des listes sans représentation significative, de candidats qui ont eu maille à partir avec la justice. Condamné ou inculpés, ils doivent souvent quitter les grandes formations auxquelles ils appartiennent. C’est le cas Jorge Babu, député à l’Assemblée Législative de l’Etat de Rio, suspendu du PT après avoir été accusé de diriger une milice para-militaire dans la zone ouest de la ville. Il est maintenant candidat sous les couleurs du PNT. Jorge Esch, Président de ce PNT, a lui-même été condamnée 2 fois pour falsification. Il défend son candidat : « Jorge Babu est victime de persécutions politiques. Il n’a pas été condamné. » Il est vrai que son cas est en cours d’instruction depuis 2008 !

C’est pour lutter contre des pratiques comme celles de Jorge Babu que 1,3 millions de citoyens ont déposé une pétition dite « ficha limpa » demandant que tout candidat étant dans le collimateur de la justice soit interdit d’élection. A Brasilia à la surprise générale, le Congrès a approuvé cette proposition… sauf que pour des raisons technique, elle ne pourra certainement pas entrer en vigueur avant 2012. Donc elle ne sera pas prête pour l’échéance électorale de 2010!