Bonjour,
C’est pire que l’an dernier ! La forêt amazonienne brûle encore plus qu’en août 2019 et le déboisement a lui aussi augmenté par rapport à l’an dernier. La faute en grande partie à un laxisme des autorités qui se cachent derrière l’épidémie du Covid-19 pour laisser faire l’occupation illégale des terres en Amazonie. Une des conséquences, un quasi-génocide indigène, la pandémie fait particulièrement des ravages chez les Indiens, mal armés pour résister au virus.
Un groupe de Brésiliens de Genève lance internationalement un manifeste pour préserver les institutions politiques brésiliennes face aux attaques incessantes des Bolsonaristes contre les pouvoirs constitués. Une initiative bienvenue alors que ces troupes de choc de la désinformation multiplient les fakesnews tant à propos du coronavirus que de la gestion publique du pays. (lire la suite…)
Vision Brésil 18 août 2020 : un manifeste pour sauver la démocratie au Brésil
Attaques répétées des sbires d’extrême-droite qui soutiennent Jair Bolsonaro contre les institutions du pays, campagnes de fakenews contre les juges du Tribunal Suprême et contre le Congrès, manifestations de rue pour réclamer le retour de la dictature militaire, parfois avec la présence du président en exercice, la démocratie au Brésil est attaquée de front, l’opposition politique paralysée par ses convulsions internes et ses divergences. Las de ces blocages et inquiets des risques que court leur pays, des Brésiliens vivant à Genève lancent le Movimento Perserva Brasil qui appelle à signer un
Manifeste pour la sauvegarde des institutions démocratiques au Brésil.
L’ambition des auteurs de cette initiative est de rassembler le plus grand nombre possible de Brésiliens et d’amis du Brésil, où qu’ils soient dans le monde, afin de peser sur la dynamique politique du pays. Le mouvement, toutefois, se veut clairement hors partis. Les individus qui le constituent appartiennent à toutes les familles politiques, mais revendiquent leur indépendance et n’ambitionne pas d’occuper un fauteuil au Congrès. Leur but est de constituer une force d’appui pour défendre les institutions démocratiques et promouvoir la citoyenneté en politique. Ils espèrent influencer de cette façon la dynamique parlementaire.
Le choix de Genève pour fonder ce mouvement tient au fait que cette ville abrite le siège européen des Nations-Unies, et notamment la Commission des Droits de l’Homme. Nombre de diplomates et de journalistes du monde entier s’y croisent qui peuvent relayer les préoccupations du MPB-GE, sigle adopté par le Movimento Perserva Brasil. Mais Genève est aussi la seconde ville de Suisse, un pays dont les institutions sont souvent citées comme un modèle de fonctionnement citoyen de la démocratie, ce qui peut inspirer le Brésil de demain malgré les grandes différences qui séparent ces deux pays.
Le « Manifeste de Genève » sera officiellement lancé par vidéoconférence dimanche 6 septembre 2020 à 16 : 00 – 11 : 00, heure du Brésil (en portugais et sur inscription uniquement)
Participeront à cette manifestation, en invités virtuels ou présentiels, pour dialoguer online avec le public, Fernando Gabeira ex-député fédéral, depuis Rio de Janeiro, Jamil Chade, correspondant de la Folha de São Paulo auprès des Nations-Unies à Genève, et moi-même qui évoquerait le modèle suisse de démocratie citoyenne. Devrait encore se joindre (à confirmer Reinaldo Azevedo, journaliste et chroniqueur de plusieurs médias brésiliens, depuis São Paulo.
Le manifeste de Genève peut-être signé par tout un chacun, brésilien ou non, sur le site du mouvement MPB-GE : https://mpb-ge.org. En voici la traduction française et la version originale en portugais.
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Manifeste de Genève pour la préservation des institutions démocratiques au Brésil. Pour signer ce manifeste, qui peut être paraphé par tout un chacun, Brésilien ou non: https://mpb-ge.org
Nous sommes Brésiliens et nous vivons loin de notre patrie, de notre famille, de nos amis dont la situation nous inquiète. Nous avons décidé, comme des millions de Brésiliens qui habitent hors de leur pays, de manifester notre solidarité avec nos compatriotes qui traversent des moments très difficiles à cause de la pandémie du coronavirus et des menaces répétées contre notre Constitution et nos droits fondamentaux.
Grâce aux technologies de communication actuelles, nous restons connectés en permanence aux informations qui circulent et, même si elles sont souvent contradictoires, elles nous apportent la confirmation que le Brésil traverse une crise sociale, économique et sanitaire grave dont les conséquences sont tragiques pour de nombreuses familles. Nous demandons donc à tous nos compatriotes, où qu’ils soient, de s’unir afin d’affronter cette crise de manière lucide et responsable.
Nous nous inquiétons de la corrosion de l’espace de dialogue républicain entre les pouvoirs constitués et la société civile qui peut mener au collapse des institutions démocratiques du pays. Face à cette situation, nous avons pris l’initiative de formuler ce Manifeste de Genève dont l’objectif est d’appuyer les initiatives de tous les Brésiliens soucieux de la préservation des principes constitutionnels de notre pays.
Genève est une ville suisse empreinte de tradition démocratique et particulièrement réceptive à l’accueil des différences. Genève abrite de nombreuses organisations internationales dont l’objectif est de rechercher des solutions de compromis entre les nations. Durant la dictature militaire qui a sévi au Brésil entre 1964 et 1985, Genève a hébergé beaucoup de réfugiés politiques brésiliens. Le climat de conciliation et de respect de la démocratie qui marque cette cité nous donne l’énergie d’œuvrer à ce qu’un tel climat puisse s’installer aussi au Brésil.
« AU-DELÀ DE NOS DIFFÉRENCES ETHNIQUES, IDÉOLOGIQUES, DE CROYANCE ET D’APPARTENANCE POLITIQUE, NOUS VOULONS CONTRIBUER À LA PRÉSERVATION ET AU RENFORCEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES BRÉSILIENNES. SEULE LA SOLIDITÉ DE CES INSTITUTIONS NOUS GARANTIT LA LIBERTÉ DE PENSÉE, D’EXPRESSION, D’ORGANISATION SOCIALE, DE MANIFESTATION ET DE COEXISTENCE ENTRE LES DIFFÉRENTES ORIENTATIONS POLITIQUES DE CHACUN, LOIN DE L’AUTORITARISME, DU POPULISME, DE L’INTOLÉRANCE ET DE LA DÉMAGOGIE. »
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Manifesto de brasileiros de Genebra pela preservação das instituições democráticas no Brasil – (para assinar:https://mpb-ge.org)
Somos brasileiros vivendo longe da nossa pátria, de nossa família e de nossos amigos, com os quais tanto nos preocupamos. Decidimos, como muitos dos milhões de brasileiros que moram por este mundo afora, expressar nossa solidariedade com o povo brasileiro, que está vivendo momentos muito difíceis durante esta pandemia, somados às constantes ameaças dirigidas à nossa Constituição e aos nossos direitos fundamentais.
As atuais tecnologias de comunicação nos mantêm permanentemente conectados às mais diversas e variadas informações, que mesmo sendo por vezes contraditórias, nos permitem constatar que o Brasil atravessa uma crise social, econômica e sanitária grave e até mesmo trágica para muitas famílias. Pedimos a união de todos os nossos compatriotas, onde quer que estejam, para atravessarmos de forma lúcida e responsável essa preocupante crise.
Lamentamos o processo de corrosão do espaço do diálogo republicano entre os poderes e a sociedade civil, que poderá levar ao colapso das instituições democráticas do país. Diante deste cenário, redigimos esse manifesto de Genebra para apoiar todos os brasileiros que têm como objetivo comum a preservação dos princípios constitucionais do nosso país.
Genebra é uma cidade suíça com tradição democrática e de acolhimento das diferenças. Lugar que abriga várias organizações internacionais que se destacam pela busca de soluções conciliatórias entre nações e que acolheu muitos brasileiros, refugiados políticos, durante o regime de ditadura militar que vigorou entre 1964 e 1985. O clima de apaziguamento das diferenças e de respeito à democracia que vivemos nesta cidade nos dá energia para trabalharmos no sentido de ver esse clima instalado também no Brasil.
“A DESPEITO DE NOSSAS DIFERENTES ETNIAS, CRENÇAS, IDEOLOGIAS E IDENTIFICAÇÕES PARTIDÁRIAS, QUEREMOS CONTRIBUIR PARA A PRESERVAÇÃO E O FORTALECIMENTO DAS INSTITUIÇÕES DEMOCRÁTICAS BRASILEIRAS. SOMENTE COM A SOLIDEZ DESSAS INSTITUIÇÕES TEREMOS LIBERDADE DE PENSAMENTO, DE EXPRESSÃO, DE ORGANIZAÇÃO SOCIAL E DE COEXISTÊNCIA DE DIFERENTES ORIENTAÇÕES POLÍTICAS LONGE DO AUTORITARISMO, DO POPULISMO, DA INTOLERÂNCIA E DA DEMAGOGIA.”
Vision Brésil 18 août 2020 : Incendies en Amazonie, pire qu’en 2019 !
« L’Amazonie connaît le pire début de saison des incendies de la dernière décennie avec 10 136 incendies durant les dix premiers jours du mois d’août », titre le quotidien britannique The Guardain. D’après Greenpeace, c’est dans les réserves forestières et indigènes que les dégâts sont les plus graves, avec 81 % de départ de feu de plus que pour la même période de l’an passé. Et pourtant, cette fois, l’Amazonie brûle dans l’indifférence générale de l’opinion mondiale et des médias internationaux.
Plus de 3 000 km2 de forêt ont été abattues durant les huit premiers mois de l’année, soit 26 % de plus que durant la même période de 2019 où, pourtant, le défrichage avait déjà explosé : plus 67 % par rapport à l’année 2018. 3000 km2, c’est la superficie du canton de Vaud en Suisse ou la moitié de celle du département de l’Hérault en France… Ces arbres coupés alimenteront les feux de forêt de 2021, car ceux qui brûlent actuellement sont ceux qui ont été abattus l’an dernier. Sur la seule journée du jeudi 30 juillet, les satellites ont détecté 1 007 incendies en Amazonie, a indiqué l’Institut spatial national du Brésil (INPE). « Plus de mille incendies en une seule journée, c’est un record depuis 15 ans », déplore dans un communiqué le porte-parole de Greenpeace Brésil, Romulo Batista.
Des incendies volontaires
Le magazine Ouzbek & Rica s’interroge dans une longue analyse consacrée à ce cataclysme écologique silencieux : « Comment cela est-il possible, un an après un été 2019 marqué par des incendies dramatiques, mais qui avaient suscité une émotion et une mobilisation internationale inédites, augmentant — notamment lors du G7 à Biarritz — la pression sur le gouvernement d’extrême-droite de Jair Bolsonaro » ?
Les experts sont unanimes, la grande majorité des incendies en Amazonie sont délibérément provoqués par des propriétaires terriens pour étendre leurs surfaces d’exploitation, en particulier pour l’élevage et l’agriculture industrielle. « 70 % de la déforestation est due aux activités d’organisations criminelles », expliquait à l’AFP fin août 2019 Daniel Azevedo Lobo, procureur dans le Rondônia, État amazonien du nord-ouest très touché par les feux de forêt.
Diversion médiatique.
« Le 28 août 2019, poursuit Ouzbek & Rica, Bolsonaro avait interdit par décret, pendant deux mois, les brûlis agricoles. Cette annonce avait suscité les doutes de la communauté scientifique, soulignant que “celui qui brûle (la forêt) sans permis ne va pas respecter” un décret ». Le 16 juillet 2020, Bolsonaro a à nouveau annoncé un moratoire sur les incendies de 120 jours, après avoir autorisé le 11 mai l’armée à se déployer sur le territoire amazonien. Les associations environnementales dénonçaient des « opérations de diversion médiatique ».
En parallèle, les amendes pour infraction environnementale sont en forte baisse, et le gouvernement n’a cessé de réduire le budget, le personnel et les programmes de l’agence environnementale brésilienne, l’IBAMA. Utilisant la crise sanitaire comme un écran de fumée, le gouvernement Bolsonaro réduit les droits des peuples autochtones, en légitimant l’appropriation des terres publiques qu’ils habitent depuis des décennies, au bénéfice de puissants lobbies agricoles et miniers ».
Armée et savanisation
« Aujourd’hui, le rôle des organismes de défense de l’environnement est soumis au pouvoir de l’armée qui commande tout le processus. Sauf que l’armée brésilienne n’a pas d’expertise dans le domaine de l’environnement pour être en charge d’une telle mission, » affirme Raoni Rajão, chercheur à l’université fédérale du Minas Gerais. Il juge cependant qu’il est encore possible d’inverser la situation. « Plus de 90 % des producteurs respectent la loi depuis 2008. Maintenant, la question, c’est comment allons-nous nettoyer l’exportation de ces 20 % restant qui sont liés à la déforestation illégale. »
Le climatologue Carlos Nobre est moins optimiste. Pour lui, il y a urgence : « nous approchons du point de non-retour. Si elle n’est pas contenue, l’augmentation de la déforestation peut amener à la savanisation de l’Amazonie. C’est-à-dire transformer entre 50 et 60 % de la forêt tropicale en savane dégradée. Dans le sud de l’Amazonie, il y a déjà des signaux croissants qui indiquent que ce processus est en cours. »
« Notre maison brûle toujours »
« Notre maison brûle toujours » alertait le 27 juillet dernier sur Twitter Emmanuel Macron. Et le président français d’ajouter : « pourtant depuis l’appel du G7 de Biarritz pour sauver l’Amazonie, nous sommes mobilisés pour protéger notre planète. » La France, cependant, a-t-elle agi pour faire cesser la déforestation importée, c’est-à-dire l’importation de nombreuses matières premières et produits transformés associés à la déforestation, comme cela était annoncé avec la Stratégie nationale de Lutte contre la Déforestation importée (SNDI) publiée en 2018, se demande Ouzbek & Rica ?
La réponse est clairement non. Cette directive, saluée comme ambitieuse en 2018 par le WWF, « ne comporte aucune mesure contraignante et n’est pas mise en œuvre », assure Cécile Lauba, chargée de campagne Forêts à Greenpeace France. Le WWF, de son côté, calcule que la France a potentiellement contribué à déforester 5,1 millions d’hectares au cours des cinq années 2013-2018, soit environ deux fois la superficie de la Bretagne, à travers ses importations de sept matières premières (soja, cacao, bœuf & cuir, huile de palme, caoutchouc naturel, bois et pâte à papier). « En 50 ans, nous avons probablement déforesté une surface équivalente à la superficie de la France métropolitaine, ailleurs dans le monde ».
Le circuit opaque de la viande
La France n’est évidemment pas seule concernée. 20 % des exportations brésiliennes de soja et de viande bovine vers l’Union européenne proviennent de terres déboisées illégalement, en Amazonie et dans le Cerrado (aussi appelée savane brésilienne) a révélé en juillet une étude de la revue américaine Science intitulée Les pommes pourries de l’agro-business brésilien.
L’origine de la viande consommée en Europe est parfois volontairement dissimulée, comme le montre une enquête du site d’investigation Disclose, le 27 juillet : ainsi, l’entreprise brésilienne JBS, le plus important producteur de viande au monde, s’approvisionne directement auprès d’une ferme condamnée pour déforestation de l’Amazonie, et dissimule ensuite cette origine illégale en déplaçant les bêtes vers une ferme légale. Ce type de pratique de blanchiment de bétail est confirmé par Amnesty Brésil.
Les fonds d’investissement à la manœuvre, les politiques à la remorque
Le manque de transparence dans les chaînes d’approvisionnement des géants de l’agroalimentaire brésiliens est cependant de plus en plus dénoncé, et la pression internationale s’intensifie. Fin juin, des fonds d’investissement d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Sud qui administrent 4 000 milliards de dollars, qui réclamaient des résultats dans la lutte contre la déforestation en Amazonie ont menacé de retirer leurs investissements si les choses ne bougeaient pas. « Le fait que la pression vienne d’investisseurs et non de chefs d’État change la donne », estime auprès de l’AFP André Perfeito, économiste du cabinet de consultants Necton.
Car les chefs d’État, eux, persistent et signent. Ils s’apprêtent à ratifier avant fin 2020 le traité avec le Mercosur, le plus grand marché commun d’Amérique latine, réunissant le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay. Un traité surnommé « cars for cows » (voitures contre bœuf), car il devrait favoriser d’un côté les exportations des entreprises européennes, notamment dans le secteur de l’automobile, et de l’autre, donner aux entreprises sud-américaines de plus larges débouchés sur le marché européen pour leur production agricole.
« En ne ratifiant pas ce traité, l’Europe peut nous aider à sauver l’Amazonie », appellent, dans une tribune publiée dans les colonnes du Monde le 31 juillet Sonia Guajajara, coordonnatrice exécutive de l’Articulation des peuples indigènes du Brésil, et Maria Laura Canineu, directrice du bureau de Human Rights Watch. Les deux femmes exhortent à ne pas sceller l’accord commercial « tant que le Brésil ne se montre pas disposé à honorer ses engagements environnementaux. » Adaptation © Usbeck&Rica
Des balbutiements qui permettent d’espérer
Petite lueur d’espoir, cependant, épidémie de coronavirus aidant, un groupe d’entrepreneurs brésiliens, parmi lesquels des producteurs industriels d’huile végétale, des banques, des firmes de l’agro-alimentaire et des exploitations minières se sont alliées pour demander au président de la Chambre des députés, Rodrigo Maia d’intervenir légalement pour stopper la dévastation de l’Amazonie. Elle entache lourdement la réputation de leurs produits d’exportation sur le marché mondial : « la transparence sur l’origine de nos produits n’est plus seulement une préoccupation pour le secteur de l’agro-alimentaire, mais pour toute l’économie brésilienne », relève Marcello Brito de l’ABAG, l’association brésilienne de l’agro-alimentaire, qui participe de cette initiative.
« Il nous faut mettre en place des mécanismes en vue d’élaborer maintenant un agenda commercial responsable pour l’après-pandémie », complète Paulo Hartung, ancien gouverneur de l’État de Espirito Santos et président exécutif de l’IBA, une association qui englobe toute la chaîne de production des arbres cultivés pour des fins industrielles. Rodrigo Maia a saisi la balle au bond, relayant cette initiative du secteur privé à un groupe multipartite de députés sensibles à la question environnementale. Ce groupe de parlementaires est chargé de formuler au plus vite une liste de projets prioritaires pour la protection de l’environnement et la promotion de l’économie durable.
Changer les pratiques de l’agro-commerce international
Le 12 août, Candido Bracher de la banque Itau-Unibanco annonce que son établissement ne va plus financer les entreprises du secteur de la viande soupçonnées d’être liées à la déforestation. Le groupe Itau-Unibanco est membre du CEBDS, le Conseil entrepreneurial pour la promotion du développement durable, dirigé par Marina Grossi. « Nous ne versons pas dans l’idéologie, mais si nous n’adoptons pas une politique claire dans ce domaine, nous allons compromettre l’avenir de toutes les entreprises au Brésil. Cet appel sera-t-il entendu ?
Même Bolsonaro fait montre aujourd’hui d’un ton plus modéré dans ses dénis réitérés de protéger l’Amazonie. Mais si la crise sanitaire a été saisie au bond par certains pour faire avancer la cause de la lutte contre la déforestation, d’autres, notamment sur le marché international, en ont bien profité. Du moins si l’on en croit ce qu’en dit l’ONG Grain qui publie une analyse de l’agro-impérialisme à l’ère du Covid : “Avec la pandémie, les industries agroalimentaires ont décroché le jackpot. Mais si les profits restent au sommet, c’est une véritable catastrophe qui ruisselle vers le bas. Au Brésil, les exportations de viande, de soja et d’autres produits ont augmenté, tout comme le nombre de personnes exposées au Covid au long des chaînes d’exportation. ‘Le gouvernement Bolsonaro a déclaré que production, transport et logistique générale des filières alimentaires d’exportation étaient des activités essentielles devant continuer de fonctionner sans restriction’.
Préservation du milieu ambiant et lutte contre la pandémie peuvent pourtant aller de pair.
C’est la revue Science qui le dit. Préserver le milieu ambiant, réduire le déboisement et combattre le trafic d’animaux sauvage aident à prévenir l’apparition de nouveaux virus : ‘La relation entre la déforestation, le trafic d’animaux sauvages et l’apparition de nouvelles maladies est très bien établie. Malheureusement, elle relève des politiques environnementales et les politiques environnementales ne font pas partie de l’agenda de prévention des épidémies’. Pourtant, l’investissement nécessaire serait bien moindre que les coûts économiques et sociaux qui ont prévalu durant cette épidémie de Covid-19.
« Il faudrait investir entre 22 et 31 milliards de dollars par an dans des programmes de préservation de l’environnement pour nous prémunir substantiellement de voir ressurgir un virus comme le SARS-CoV-2. C’est en effet beaucoup d’argent, mais c’est bien moins que les 2,6 trillons de dollars que nous ont déjà coûté cette pandémie,’ analyse Mariana Vale, professeur au département d’écologie de l’université fédérale de Rio de Janeiro, la seule scientifique brésilienne ayant participé à cette étude internationale publiée par Science.
Des images impressionnantes de déboisement
Pour documenter la perte de la couverture forestière, le MAAP, Monitoring of the Andean Amazon Project, une organisation non gouvernementale américaine a recouru à des photos satellites prises à différents endroits en janvier et en mai 2020. Petite sélection…
Ainsi, dans le Mato Grosso, on peut visualiser à cet endroit la disparition de 7,75 km2 de forêts entre janvier et mai 2020.
Plus au nord, dans le Rondônia, ce sont 8,4 hectares qui ont disparu ici durant le même laps de temps.
Dans l’État d’Amazonas, 23,95 km2 ont été défrichés sur cette parcelle entre janvier et mai 2020…
… Pire dans l’État du Pará, 59,90 km2 de forêts se sont volatilisés à cet endroit.
Vision Brésil, 18 août 2020 : Amazonie : Covid-19 et génocide indigène
La scène se passe très loin dans la forêt, tout au nord-ouest de l’État d’Acre, dans le municipe de Feijó, qui fait frontière avec le Pérou. Poussés par la faim, 10 Indiens Kulina Madiha, isolés dans la zone du Alto Rio Envira, ont fait leur apparition près du village indigène de Terra Nova. Cazuza Kulina. Le cacique de Terra Nova a reçu un de leurs représentants chez lui où il a passé la nuit avant de repartir vers les siens avec du poisson, des machettes et des ustensiles domestiques donnés par la communauté. « On ne parle pas tout à fait la même langue, mais on comprend un peu leur dialecte parce qu’on est de lointains parents ». Les Indiens de Terra Nova, qui eux ne sont pas des « sans contact » connaissent la présence des Kulina Madiha dans la forêt, mais n’avait jusqu’ici pas de rapports avec eux.
L’épisode pourrait sembler banal, ou digne seulement d’une information de nature anthropologique, si le risque de contagion au Covid-19 ne planait pas au-dessus de cette rencontre… José Augusto Brandão, coordinateur technique de la FUNAI (la Fondation pour l’Indien) de Feijó s’inquiète en effet des risques de contamination que cette visite inopinée pourrait avoir provoqué : « les Kulinas et d’autres ethnies sont maintenues en isolement contrôlé en ce moment pour éviter qu’ils n’attrapent le virus. La FUNAI et le Secrétariat de la Santé indigène leur fournissent une aide alimentaire de base apportée par des équipes médicales dédiées pour leur éviter de se rendre en ville ».
Absence d’anticorps
« Les Amérindiens du Brésil sont particulièrement vulnérables au coronavirus, car ils ont peu, ou pas d’anticorps. Dès lors, toute épidémie peut causer des ravages » peut-on lire sur le site en ligne de RFI, Radio France Internationale. Au sud-est de Feijó, dans l’État du Rondônia la moitié des villages de l’ethnie Paiter Suruí sont actuellement contaminés Covid. Officiellement, il y aurait une cinquantaine de porteurs actifs du virus dans une dizaine de villages, mais le nombre de cas suspects serait bien plus élevé. « En moins de 15 jours, la pandémie nous a atteints », explique Celso Lamitxab Suruí, interrogé le 13 août, « 28 villages sont infectés. Chaque jour, on voit apparaître 3 ou 4 cas supplémentaires, certains malades sont dans un état grave ».
Il y aurait, à la mi-août, 17 498 cas confirmés et 564 morts parmi les 123 peuples indigènes de l’Amazonie, selon la COJAB, la Coordination des peuples indigènes brésiliens. Le site officiel du Sénat brésilien affiche, lui, d’autres chiffres et surtout, une comparaison édifiante. 23 000 infectés et 646 morts parmi les 818 000 indigènes recensés au Brésil. C’est pratiquement autant que la totalité des victimes en Autriche, 21 800 infectés et 720 morts, pour une population de… 8,9 millions d’habitants. Soit dix fois plus !
« La pandémie avance parmi nous ».
Les organisations de défense des populations indiennes parlent de génocide et accusent le gouvernement d’en être l’auteur par ses omissions répétées et son laxisme devant les invasions illégales des réserves indigènes par les bûcherons et les chercheurs d’or. « Au milieu de cette pandémie, nous sommes confrontés à plus d’intrus que jamais dans notre réserve, déclare Beto Marubo, représentant des peuples indigènes du Vale do Javari. Même là où, jusqu’à présent, personne n’allait encore. Résultat, la maladie avance parmi nous. »
Ailleurs, le long de la route stratégique BR163 qui permet d’acheminer le soja du Mato Grosso vers le port amazonien de Santarém, quelques dizaines de membres de la tribu des Kayapo Mekranoti ont bloqué lundi «pour une durée indéterminée» cet axe routier, exigeant davantage d’aide des autorités brésiliennes contre le coronavirus. Ils dénoncent aussi la recrudescence des activités minières illégales dans leurs réserves et de la déforestation. Armés de bâtons, de flèches et de machettes, ce groupe de Kayapo Mekranoti ont élevé des barricades de pneus et de troncs d’arbres à la hauteur de la localité de Novo Progresso.
Réminiscence de la colonisation de l’Amérique latine
« Cette pandémie du Covid-19 qui affecte le monde entier renvoie à ce que les peuples indigènes ont vécu à l’arrivée des premiers Européens et de leurs maladies », déclare Sofia Mendonça, médecin, qui coordonne le projet Xingu de l’université fédérale de São Paulo, « soit cette sensation de désespoir, d’angoisse et d’impuissance face à la perte soudaine de personnes proches à cause d’un virus inconnu qui se répand comme la poudre ».
Cette thèse du génocide perpétré par le laxisme des autorités est toutefois violemment rejetée par le vice-président, le général Hamilton Mourão : « l’État avait le devoir de protéger les peuples autochtones et il le fait. Cette histoire de génocide, c’est complètement absurde ! Le génocide, c’est ce qu’Hitler a fait avec les juifs, c’est ce qui s’est passé au Rwanda dans les années 1990. Ça n’a rien à voir avec ce qui se passe au Brésil ». Le général Mourão considère même qu’au contraire, la situation des Amérindiens est meilleure que celle du reste de la population brésilienne, que ce soit en pourcentage de personnes contaminées ou en pourcentage de décès provoqués par le coronavirus.
Jusqu’au Tribunal international de La Haye
Une affirmation pas tout à fait exacte. Le 13 août, il y avait 3 164 785 personnes infectées par le coronavirus au Brésil, 104 201 morts victimes de cette pandémie, selon les chiffres de la John Hopkins University. Soit 1,5 % de la population totale était atteinte alors que 2,8 % des indigènes du Brésil étaient contaminés, presque le double. Par contre, en effet, le taux de mortalité chez les malades est plus élevé dans l’ensemble de la population brésilienne (3,2 %) que chez les Indiens (2,8 %). Les principaux foyers de contamination se trouvent aujourd’hui dans les périphéries urbaines, là où les populations pauvres sont concentrées et dans l’impossibilité de se protéger en respectant les distances sociales.
Des professionnels de la santé ont dénoncé Jair Bolsonaro devant le Tribunal pénal international de La Haye pour génocide et crimes contre l’humanité perpétrés par sa gestion de la pandémie. La plainte a été cosignée par plus d’un million de travailleurs du secteur de la santé, nous apprend la chaîne d’information allemande DW, Deutsche Welle. Une action plus symbolique qu’autre chose, la plainte aura de la peine à aboutir à un procès et si elle est jugée, ce sera dans plusieurs années. D’ici là, le virus sera peut-être de l’histoire ancienne.
Mais si au bout du compte, les Indiens résistaient mieux ?
À contre-courant de la croyance à une plus faible défense immunitaire des Indiens, une étude lancée par le centre de recherche de l’université fédérale de Pelotas, dans le Rio Grande do Sul, EPICOVID-19-BR, a mis en évidence une surprenante diminution du rythme de contagion au sein des populations indigènes en Amazonie. Après avoir atteint 25 % de contamination dans certaines régions, le nombre de morts a commencé à diminuer dans plusieurs agglomérations, affirme le responsable d’EPICOVID-19-BR, l’épidémiologiste Cesar Victora. L’étude EPICOVID-19-BR est considérée comme l’une des plus vastes études épidémiologiques quantitatives du monde sur la prévalence de l’infection par le nouveau coronavirus.
« Notre étude montre que cela pourrait être dû à la présence d’anticorps au sein de la population indigène, une présence cinq fois plus importante que dans la population blanche ». Et cela ne serait pas nécessairement lié aux conditions de vie. « Nos projections indiquent que dans le cas de situation d’habitat, de revenu et d’éducation identiques, on constate deux fois plus d’anticorps chez les indigènes que chez les blancs. Cela suggère qu’un facteur génétique interviendrait. »
Cesar Victora aimerait pouvoir poursuivre ses investigations afin de confirmer son hypothèse, notamment en les étendant à un échantillon représentatif de toute la population du pays. Hélas il lui a fallu interrompue ses travaux faute de moyens financiers. L’équipe d’EPICOVID-19-BR est donc aujourd’hui arrêtée, entièrement mobilisée sur la recherche de fond afin de se relancer. « Garantir ce type de recherches apporterait un grand bénéfice à la population brésilienne », commente Cesar Victora.
Vision Brésil, 18 août 2020 Chasse aux fakesnews
Alors que les réseaux sociaux brésiliens bourdonnent de fausses nouvelles, la dernière enquête d’opinion Datafolha de mi-août affiche un surprenant regain de popularité pour le président Jair Bolsonaro alors que la pandémie du Covid-19 poursuit ses ravages et que le recul de l’économie atteint des chiffres records : contraction du PIB de 11 % au second trimestre, prévision d’une récession de 5,6 % pour l’ensemble de l’année 2020, taux de change en chute libre, 4,03 R $ pour un dollar début janvier, 5,43 R $ le 16 août.
Plus curieux encore, ce sont parmi les catégories qui ont jusqu’ici marqué le plus de défiance à l’égard président que sa popularité remonte le plus : les femmes, les jeunes, les habitants du Nord-Est — son taux de rejet est passé de 52 % en juin à 35 % en août dans le Nord-Est — et surtout les personnes les plus modestes. En cause, sans doute, la large distribution de l’aide d’urgence Covid de 600 R $ par mois, alors que la bourse famille plafonne à 200 R $. La cote de Bolsonaro progresse également au sein des catégories les plus éduquées. Explication, ce serait parce que le président a modéré son discours de rupture ces derniers temps.
Feu de paille ou vrai rebond ?
Il faut attendre pour voir si ce regain de popularité est plus qu’un feu de paille. Car Bolsonaro, ses fils et ses partisans sont toujours sous la pression du Tribunal suprême qui n’a pas abandonné l’enquête sur la campagne de dénigrement des juges fédéraux, largement répandue sur les réseaux sociaux à grand renfort de fakesnews exigeant la dissolution de cet organisme garant du respect de la Constitution.
Une enquête qui, si elle aboutit, pourrait valoir au président une condamnation pour activités incompatibles avec la Constitution. Le Tribunal suprême a déjà exigé de Google, la fermeture de certains comptes internet de partisans d’extrême-droite de Jair Bolsonaro et un de ses fils, Carlos est lourdement soupçonné d’être l’orchestrateur de cette fabrique de mensonges. La multinationale américaine s’est exécutée.
Avalanche de fausses nouvelles et surveillance médiatique
Cette avalanche de fausses nouvelles qui se répandent comme une trainée de poudre sur les smartphones des Brésiliens ne concerne pas seulement les institutions politiques et judiciaires du pays. Elle s’est largement développée, depuis le début de la crise sanitaire, sur le coronavirus, les médicaments miracles pour le contrer, les soi-disant études médicales infaillibles. Plusieurs journaux brésiliens ont mis en place au sein de leurs rédactions des brigades de détection des fakesnews qui décortiquent les sources de ces informations — généralement, elles se basent sur un fait réel, détourné ensuite de son contexte — et publient régulièrement des mises en garde à destination de leurs lecteurs.
Impossible de recenser ici l’ensemble de ces messages mensongers relevés par la presse brésilienne, mais je vous propose cependant un petit florilège, extrait du site #Verificamos, de Agencia Lupa, la plus importante agence de fact cheking du Brésil, créée conjointement par la Folha de São Paulo et le mensuel Piauí.
Port du masque et bioterrorisme
14 AGO.2020 : Cinq photos montrent des visages couverts d’éruptions cutanées. Légende : ce serait une infection aux staphylocoques due au port du masque. Faux ! Des cinq photos, trois au moins datent d’avant le début de la pandémie et montre des maladies qui n’ont rien à voir avec le port du masque. La source des deux photos restantes est inconnue.
14 AGO.2020 : Selon un extrait d’un reportage de TV Globo, des bioterroristes auraient saboté des feux de circulation pour protester contre les mesures de distanciation sociale. Légende accompagnant les images : « mettez fin au lockdown, la pandémie est une farce. » La séquence est un montage basé sur une photo du Las Vegas Rewiew-Journal illustrant un reportage sur la mise en place de voies prioritaires pour les voitures à plusieurs occupants au Nevada. Elle reprend la même fausse information déjà publiée en anglais, non avec le logo de Globo, mais celui de FoxNews.
14 AGO.2020 : « L’institut brésilien de l’environnement (Ibama) met le feu à un village indien en Amazonie dans le but de faire tomber le gouvernement Bolsonaro », titre une vidéo circulant ce 13 août. L’image du feu est véridique, elle date du 21 juin, mais elle concerne un brûlis de précaution exécuté par les services forestiers au bord d’une route qui longe un village indigène. Ce type d’action est pratiqué régulièrement par les autorités de surveillance, pour nettoyer les talus des routes situées en forêt, afin d’éviter, justement, des incendies incontrôlés provoqués par un mégot incandescent ou tout autre étincelle.
Le Covid est une farce et le Parlement en profite pour légaliser l’avortement
12 JUIL.2020 : « Des médecins français déposent leur blouse blanche et quittent l’hôpital parce qu’ils ont découvert que le Covid est une farce ». La vidéo relatant cet événement est détournée d’une manifestation de soignants qui s’est déroulée le 14 janvier 2020 devant l’hôpital St-Louis de Paris pour protester contre les mauvaises conditions de travail dans les hôpitaux publics de l’Hexagone. Le premier cas de Covid en France a été enregistré le 24 janvier soit 10 jours plus tard.
11 JUIL.2020 : « Absurdité ! En utilisant des techniques sophistiquées de manipulation du langage, la Chambre des représentants a approuvé hier les projets de loi 1444/2020 et 1552/2020 qui légalisent l’avortement jusqu’à la 22ème semaine de grossesse ». Une information partagée par plus de 2 600 personnes, mais totalement fausse. Ces deux projets de loi 1444/2020 et 1552/2020 traitent de la protection des femmes victimes de violence durant la pandémie. Aucun ne mentionne la légalisation de l’avortement.
Bolsonaro plébiscité?
10 JUIL.2020 : Un tweet affirme : « 94 % des personnes interrogées par Datafolha désirent que Bolsonaro soit réélu en 2022 ». Faux, aucun sondage ne prétend jusqu’à présent que le nombre d’électeurs favorable à une réélection de Bolsonaro dépasse 30 %. L’infographie qui accompagne cette fausse nouvelle est détournée d’un sondage datant de 2008, qui mesurait alors la popularité de Lula, deux ans avant la fin de son second mandat de président.
On pourrait multiplier ces exemples, #Verificamos a publié 29 rectifications entre le 1 et le 14 août. Durant le mois de juillet, #Verificamos en a publié 76… Chacun de ces fakenews a été répliqué sur les réseaux sociaux en moyenne 500 à 3 000 fois.
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