100’000 personnes à Rio de Janeiro, 65’000 à São Paulo, 10’000 à Aracaju, des dizaines investissant la coupole du Parlement à Brasilia, ce soir du 17 juin, les événements prennent une autre dimension dans les rues au Brésil : on n’en est plus à protester contre la huasse des tarifs des transports publics. Ce n’est plus seulement des étudiants contestataires de São Paulo qui expriment leur mauvaise humeur existentielle, c’est toute une jeunesse, dans le pays tout entier, ralliée par l’intermédiaire des réseaux sociaux, vêtus de chemises blanches en signe de ralliement et brandissant le drapeau du Brésil qui se réunissent pour dénoncer et investir les symboles du pouvoir politique, partout.
Parmi les objectifs, l’assemblée législative à Rio de Janeiro occupée, le Palais des Bandeirantes à São Paulo investi, la coupole du Congrès à Brasilia envahie, et encore les quartiers névralgiques de Belo Horizonte, de Salvador, et même les rues de la tranquille Aracaju dans le Nord-Est…. Les événements s’accélèrent et les âmes s’enflamment. Ce lundi soir 17 juin marque un palier dans la dynamique des manifestations de rue qui ébranlent le pays depuis une semaine. C’est un seul et immense cri qui s’exprime, « ça ne va plus ». Un cri informe, exprimé globalement de façon pacifique, mais avec les inévitables débordements de violence en fin d ‘événements quand autant d’indignés colonisent ensembles les rues des grandes agglomérations.
Des politiciens hors du coup
Ce soir, la classe politique brésilienne est prise de court, coalition de gauche au pouvoir comme opposition de droite. Renvoyées dos à dos à leur incapacité à apporter une réponse au malaise diffus qui frappe la jeunesse de ce pays. « Çà ne va plus ! Ça ne va plus des promesse de paradis social vantée par le PT au pouvoir depuis 10 ans qui ne se concrétisent jamais. Ça ne va plus de la prospérité promise à une classe moyenne émergente qui ne voit pas son niveau de vie s’améliorer significativement. Ça ne va plus des annonces solennelles de mesures de relance d’une croissance en perte de vitesse qui ne cesse de ne pas réussir à reprendre son souffle. Ça ne va plus des engagements de moralisation de la vie politique sans effet qui n’en finissent plus d’aboutir à la répétition perpétuelle des plus bas comportements de la plus crasse des corruptions.
Dilma Rousseff a beau déclarer qu’en démocratie, le droit de protester est garanti et protégé, ce n’est pas la réponse qu’attendent les manifestants. Les Secrétaires à l’Ordre Public des différents Etats où les rues sont investies par les révoltés ont beau promettre que les troupes de choc de la police ne vont pas gazer les protestataires, cela n’empêchent pas la colère de radicaliser la protestation chez certains qui basculent dans la violence malgré les appels au calme.
Interrogation existentielle
Ce soir le Brésil est en crise. Et personne ne sait exactement ce qu’il se veut. Ni du côté des dirigeants, ni, vraiment, de celui des manifestants. C’est juste que ça ne va plus. Le mouvement de contestation va peut-être s’essouffler aussi rapidement qu’il est né et a grossi. Ou prendre au contraire une ampleur qui le rendra incontrôlable. Ce soir, personne ne peut le dire. Mais que la société brésilienne et ses dirigeants doivent impérativement se pencher sur eux-mêmes et le futur existentiel qu’elles se préparent c’est impératif. Avec ou sans les manifestations de rue. Le mieux que la Présidente Dilma Rousseff aurait à faire, c’est de convoquer immédiatement des Etats Généraux du développement national pour diagnostiquer le malaise et chercher, avec les figures de proue de société civile toute entière quelles sont les réponse à donner. Sans ordre du jour préétabli ni présupposé quant aux solutions qui pourraient surgir.
Un pari audacieux, à peine un an avant les élections générales d’octobre 2014. Mais un pari qui apparaît chaque instant plus impératif. Pour sauver éventuellement sa réélection, mai surtout le fonctionnement démocratique de la nation…
18 juin 2013 at 16:43
Je soutiens à fond ce mouvement populaire au Brésil. Les politichiens corrompus, qui défendent que leur intérêt personnel ou de leur corporation, les gens en ont ras le bol. En France, c’est pareil mais ce qui me surprend c’est l’ampleur de la mobilisation car le Brésil met en avant le modèle libéral dans toute sa splendeur (les riches s’enrichissent et les pauvres n’ont que des miettes). Ils en ont avalé des couleuvres mais maintenant les jeunes prennent conscience que lutter et défendre le progrès social est une nécessité si on veut créer une cohésion entre citoyen. En France, on est en pleine léthargie, et amorphe. C’est cela qui me désole dans ce pays. J’aimerais qu’il est une mobilisation comme au Brésil et qu’on aille prendre d’assaut nos palais de nos chers Elus mais on fait rien et ce pays s’enfonce dans un individualisme grandissant avec une pensée de sauver sa propre peau et de ne pas s’occuper de son voisin.
Vraiment, Bravo les jeunes brésiliens de vous mobiliser en vue de créer un avenir plus juste, plus égal, et plus solidaire de votre pays. Je suis fier de ce pays et c’est la France qui me désole de plus en plus.
18 juin 2013 at 15:30
Cela fait 6 ans que je vis avec 1000 reais (645 CHF / 520 Euro) dans le Nordeste, sans aucune économie. Je peux donc avoir une idée assez clair de ce que vivent les brésiliens avec si peu de moyen. Un toit de 30m² prété, 700 reais de location, 200 reais pour plan de santé de ma femme et mon enfant, avec internet, électricité, eau, et offre téléphone. 700 reais pour nourriture et produits ménager. 100 reais pour aller à la plage. Rien pour les habits depuis 3 ans. Ma vie est pourtant digne et honnête et festif, sans dette.
J’observe que ce pays/continent de 200 millions d’habitants (30 millions y sont nés depuis les quelques années où j’y vis) ne supporte aucune analyse qui puisse être comparée à ce qui est connu en occident.
Ce que nous observons est une récupération des modes de pensées d’une jeunesse ronchonneuse, comme toutes celles qui l’ont précédée.
Il est inévitable que les politiques se fixent sur des paradigmes cristallisés, et il est inévitable que la momification des dogmes en viennent à être secouée par la jeunesse qui ne connaît rien au monde dans lequel il vit. Si cela pouvait autant se passer dans les religions, nous aurions surement un monde plus moral et adapté au niveau de conscience de notre époque.
Ainsi va le monde, il progresse par petits sauts, lentement, mais surement. En attendant, ne plaignez pas le Brésil, mais plaignons les occidentaux du nord qui, eux, ont des problèmes bien plus complexes, de l’ordre de l’existentiel, de l’ordre de la foi dans la vie et dans l’au-delà.
18 juin 2013 at 11:58
Merci Jean-Jacques pour ta couverture et tes analyses. Bon courage Jean-Pierre
18 juin 2013 at 09:36
Excellent article comme toujours mais qui me semble ne pas descendre assez prêt du terrain.
Comment dans la réalité un pays décrit comme « le futur » de la planète, un citoyen vit son quotidien et en quoi les demandes entre les différentes classes sociales sont elles divergentes ?
Pourquoi le fait de voir les autres pays de façon plus proche rend les brésiliens plus exigeants du fait de leur « statut » mondial, du moins celui dans lequel on les idéalise.
Parlez des citoyens des classes pauvres, moyennes…..avec leurs revenus et dites ce qu’ils doivent dépenser chaque mois pour vivre.
Je vis une partie de l’année à Sao Paulo dans un quartier aisé Jardins, mais je me promène et ressent les difficultés réelles.
Comment comme français puis-je me sentir avoir un pouvoir d’achat plus important en rentrant dans mon pays alors que les salaires brésiliens sont plus faibles. Mon premier séjour remonte à 7 ans.
Pourquoi les riches remplissent-ils leurs valises à l’étranger ?………
18 juin 2013 at 08:31
Merci JJ pour cette analyse à chaud. Un peu tard pour sortir de sa léthargie, mais pas étonnant que çà bouge…. enfin….! A force d’avaler des couleuvres…. Espérons que çà ne dégénère pas trop et que les guignols de la politique redescendent de leurs nuages….Bonne chance Charly
18 juin 2013 at 06:13
Très bon article, merci Jean-Jacques. Eh oui, le peuple brésilien en a marre des promesses qui ne sont jamais tenues, des augmentations du coût de la vie et surtout des dépenses colossales en vue de ce prochain MUNDIAL. Une dépense de 25 milliards de reais c’est tout simplement un scandale. Et ce n’est pas terminé, les jeux olympique prévus à Rio de Janeiro en 2016 auront également un coût planétaire que les cariocas ne vont pas accepter sans grincements de dents. Autant Dilma que Sergio Cabral feraient bien de se procurer un siège éjectable pour ne pas se retrouver à plat ventre en octobre 2014… Qui sème le vent récolte la tempête et le fameux PT n’est plus crédible! Le populaire Lula n’est pas étranger à cette révolte du peuple…